JE DEVAIS DEVENIR QUELQU’UN QUI NOUS RÉUNIRAIT
J’étais autrefois une femme intrépide, fière de mes racines et de ma vie en Artsakh. Mais tout a changé le jour où ma famille et moi avons dû fuir vers l’Arménie. Ce départ forcé m’a privée de tout espoir d’une vie stable et heureuse. Perdre ma patrie m’a brisée. Je me suis refermée sur moi-même, submergée par la vulnérabilité.
Avec mon mari, atteint d’un handicap de deuxième degré, et mes quatre enfants terrifiés par ce déracinement, j’étais à deux doigts de tout abandonner.
Pendant plus de 15 ans, j’ai enseigné l’histoire à Martakert, en Artsakh. Jamais je n’aurais imaginé devenir, à mon tour, l’actrice involontaire d’événements historiques aussi cruels et injustes.
Le véritable déclic a eu lieu lorsque j’ai compris à quel point mes pensées sombres pesaient sur mes enfants. Leurs regards tristes reflétaient mon propre désespoir. J’ai alors su qu’il fallait que je change, non seulement pour moi, mais surtout pour eux.
C’est ma sœur Narine, elle aussi déplacée d’Artsakh, qui m’a tendu la première corde. En découvrant un appel à candidatures sur la page Facebook de la Fondation Arménienne pour le Développement Durable, elle a postulé, avant de m’encourager à en faire autant.
Narine a toujours été une source d’inspiration pour moi. Son optimisme et sa détermination m’ont souvent poussé à avancer, même dans les moments les plus sombres. J’ai donc rédigé mon plan d’affaires avec beaucoup d’enthousiasme, mais honnêtement, sans grande conviction.
Contre toute attente, mon projet a été retenu. Grâce au financement reçu dans le cadre du programme «Autonomisation des femmes vulnérables en Arménie», nous avons pu démarrer une ferme. Pour moi, c’était un premier pas vers un avenir plus lumineux.
Nous avons choisi de gérer notre ferme comme nous le faisions dans notre mère patrie. Même les vaches achetées grâce au programme ont reçu les noms des animaux que nous élevions en Artsakh. Cela nous a permis de préserver un lien précieux avec notre passé.
Aujourd’hui, je travaille dur pour développer un business durable. Mon prochain objectif est d’élever des moutons et d’étendre notre activité. Pour l’instant, nous vendons principalement du fromage, très apprécié dans les villages voisins.
Plus que tout, je suis profondément reconnaissante envers les habitants de Geghamavan, où nous avons trouvé refuge. Leur accueil chaleureux a fait toute la différence. Ils ne nous ont jamais fait sentir étrangers ou indésirables, et cela a nourri notre force et notre résilience.
Je ne crois pas que je pourrai un jour surmonter la perte de mon pays. Mais j’ai appris que je pouvais offrir à mes enfants une vie pleine d’espoir et de bonheur. Mon aînée rêve de devenir psychologue, et mon fils aîné met toute son énergie à garantir un revenu stable pour notre famille. Grâce à leur amour inconditionnel, je crois de nouveau en moi.
Le projet « Autonomisation des femmes vulnérables en Arménie » est cofinancé par le Saint Sarkis Charity Trust et l’Association Arménienne d’Aide Sociale (AAAS), et mis en œuvre par la Fondation Arménienne pour le Développement Durable (AF4SD).