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Ma vie a basculé en un jour….

La vie a une manière bien à elle de nous surprendre, souvent de la manière la plus déchirante. Le 16 octobre 2020 restera à jamais gravé dans ma mémoire comme un jour d’émotions contrastées et intenses, où joie et tragédie se sont percutées avec une force écrasante.

Ce matin-là, ma belle-fille nous a annoncé une nouvelle merveilleuse : elle attendait un enfant de mon fils Arman. Un bonheur immense nous a envahis, mais la vie en avait décidé autrement.

Quelques heures plus tard, alors que nous commencions à célébrer cette annonce, un coup de téléphone est venu briser nos cœurs. Nous avons appris qu’Arman était tombé, sans jamais savoir qu’il allait être père une nouvelle fois.

Des mois plus tard, lorsque notre petit-fils est né, nous avons décidé de lui donner le prénom d’Arman, pour que son héritage continue de vivre à travers lui. Aujourd’hui encore, même s’il n’est plus physiquement parmi nous, la présence d’Arman remplit notre maison. Ses affaires sont soigneusement disposées dans un coin, et son portrait m’accompagne en permanence dans un médaillon que je ne quitte jamais.

Les premières années après sa disparition furent sombres. Le chagrin m’a paralysée, me privant de toute envie de vivre ou d’interagir avec le monde.

Petit à petit, j’ai commencé à relever la tête. Il m’était vital de trouver une occupation pour remplir mes journées et apaiser cette douleur insupportable. Une fois la construction de notre nouvelle maison terminée, je me suis remise au jardinage et à la culture de fruits et légumes.

Comme beaucoup de mes voisins, j’ai commencé à sécher des fruits, principalement des pêches. Ma première récolte m’a permis de sécher près de 500 kg, un succès qui m’a encouragée à poursuivre cette activité.

En avril 2024, j’ai soumis une demande de soutien auprès de la Fondation Arménienne pour le Développement Durable pour développer mon projet. Ma candidature a été acceptée, et j’ai reçu tout le matériel nécessaire pour une production complète : des séchoirs jusqu’à une serre.

Je tiens à utiliser des méthodes traditionnelles, privilégiant le séchage au soleil plutôt que des chauffages artificiels. Bien que plus long, ce processus donne des fruits d’une qualité exceptionnelle, à la fois naturels et sains.

Avec l’aide de ma famille, je récolte, lave, sèche et vends nos fruits. Certains disent que le travail aide à surmonter le chagrin, mais pour moi, c’est faux. Mon fils reste dans mes pensées à chaque instant, et la douleur de sa perte m’accompagne partout.

Cependant, ce projet m’a offert autre chose : la possibilité de soulager ma famille sur le plan financier, tout en portant le poids de notre peine.

Chaque matin, en plaçant mes fruits sous le soleil arménien, je me rappelle que la vie, à l’image de ces fruits, peut être transformée et préservée. Ce qui a commencé comme une distraction est devenu une véritable leçon de résilience.

Dans notre société, les mères veuves ou celles qui ont perdu un enfant s’effacent souvent dans les ombres de leur douleur, dépendant des autres, tant émotionnellement que financièrement.

Mais pour moi, ce n’est pas seulement une question d’indépendance économique. C’est une manière d’honorer la mémoire d’Arman, en montrant la même force qu’il a déployée en servant son pays.

Lorsque d’autres femmes de mon village me voient gérer mon activité, elles réalisent que ni l’âge ni la tragédie ne définissent nos capacités. Certaines sont même venues me demander conseil pour lancer leurs propres projets.

Cet effet d’entraînement montre qu’une femme qui se relève inspire celles qui l’entourent à suivre son exemple. Ensemble, nous pouvons illuminer le chemin les unes pour les autres.

Le projet « Autonomisation des femmes réfugiées en Arménie 2024 » est soutenu par le gouvernement australien et mis en œuvre par la Fondation Arménienne pour le Développement Durable.

L’association Arev apporte un soutien à la gestion du programme « Autonomisation économique des femmes vulnérables en Arménie ».